Ce qui s’est passé samedi 28 mai 2022 au Stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions, avec des scènes chaotiques de répression de supporters et autres spectateurs venus assister au match, à l’extérieur du stade ou en son sein, est une leçon de choses sur un pouvoir qui ne sait plus gérer une manifestation hors d’un paradigme guerrier, automatiquement appliqué jusqu’à la bêtise.
Isolé, détesté, menteur, méprisant et agressif comme aucun autre avant lui, encore traumatisé et revanchard du mouvement des Gilets jaunes, lancé dans une fuite en avant pour mener son offensive de classe, le macronisme ne sait même plus profiter de ce qui est normalement une vitrine des (pires) régimes : les grandes messes sportives. Sans compter que ce match ne présentait aucun problème d’ hooliganisme et que ses autres dangers étaient connus.
C’est ainsi que rien n’aura manqué au tableau. Sur le terrain d’abord : coups de matraques et gazages tous azimuts en guise de réponse à une gestion calamiteuse des flux, elle-même produit d’une approche paranoïaque où tout regroupement est un amas de délinquants. Boucle infernale, art du désordre par les forces de l’ordre (social), inévitablement couronnés par la répression des journalistes. Sur les plateaux ensuite : face à la déroute, un monde parallèle et mono causal se déploie. En l’occurrence une fake news hors norme quant à l’ampleur de la fraude aux billets et des hordes de supporters anglais supposés en être porteurs et ainsi fauteurs de troubles essentiels.
On peut légitimement s’étrangler de voir Darmanin et Lallement poussés dans leurs retranchements et mis dans une telle difficulté pour un méfait relativement mineur au regard de leurs pédigrés respectifs. Visiblement, mieux vaut éborgner ou violer que troubler les jeux du cirque… Mais subsiste un fait : cette affaire est symptomatique et démonstrative de la nature de la macronie, et peut-être aussi, en creux, de la nature du sport de masse. Le pouvoir se prend parfois les pieds dans son propre tapis. Bien creusé vieille taupe !
Et le club merengue n’y va pas avec le dos de la cuillère. A l’instar de leurs homologues anglais, les dirigeants espagnols se sont montrés très critiques à l’égard de l’organisation de l’événement. Le champion d’Europe a notamment remis en cause le choix du Stade de France comme hôte de la finale. Comme une pique déguisée à l’UEFA. « Nous voulons savoir quelles sont les raisons qui ont poussé à la désignation du lieu de la finale et quels critères ont été pris en considération compte tenu de ce que nous avons vécu ce jour-là. »
Les supporters du Real Madrid lors de la finale de la Ligue des Champions au Stade de France
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La Casa Blanca a également dénoncé le traitement inadmissible dont ont été victimes les supporters des deux camps. « Comme l’ont montré les images édifiantes des médias, de nombreux supporters ont été agressés, harcelés, attaqués et volés avec violence. Ces événements ont également eu lieu alors qu’ils se déplaçaient en voiture ou en bus, craignant pour leur intégrité physique. Certains d’entre eux ont même dû passer la nuit à l’hôpital en raison de leurs blessures. »
Depuis samedi, les témoignages et les plaintes se multiplient du côté des supporters de Liverpool et du Real Madrid, mais également de la part des médias anglais et ibériques. Très hostiles envers le gouvernement français et l’UEFA, les deux clubs demandent des réponses et surtout des sanctions immédiates. Non, le feuilleton de ce fiasco dionysien n’est pas proche d’être terminé.
Un supporter de Liverpool en colère bloqué au Stade de France avant la finale de la ligue des champions
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Le président du club de football de Liverpool, Tom Werner, a réclamé des excuses au gouvernement français pour avoir imputé aux fans des Reds la responsabilité des scènes chaotiques survenues lors de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, samedi 28 mai. Lundi, la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, avait dénoncé « fraude massive, industrielle et organisée de faux billets » et déploré que Liverpool « avait laissé ses supporteurs dans la nature ».
Dans un courrier dont le quotidien local Liverpool Echo a obtenu une copie, M. Werner a fait part de son « incrédulité totale » face à cette « série de déclarations non prouvées sur un sujet d’une telle importance », avant même la tenue d’une enquête poussée. « Vos commentaires sont irresponsables, peu professionnels et totalement irrespectueux des milliers de fans blessés physiquement et émotionnellement », a-t-il ajouté, disant avoir reçu de très nombreux courriels de supporteurs « morts de peur » et dénonçant « une stratégie cherchant à attribuer la faute aux autres ».
« Au nom de tous les fans qui ont vécu ce cauchemar, je demande des excuses de votre part, et l’assurance que les autorités françaises et l’UEFA permettront à une enquête indépendante et transparente d’avoir lieu », a-t-il ajouté, alors que l’instance européenne du football a confirmé lundi qu’elle allait commander un « rapport indépendant ».
La maire socialiste de Paris a dénoncé la doctrine de maintien de l’ordre en vigueur, tandis que Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France, demande davantage d’« autorité » dans le pays.
Le timide mea-culpa de Gérald Darmanin n’aura pas suffi. Après que le ministre de l’intérieur a convenu, devant les sénateurs qui l’auditionnaient mercredi, qu’à l’évidence « les choses auraient pu être mieux organisées », les oppositions ont continué de vilipender les autorités pour la gestion chaotique de la finale de la Ligue des champions, samedi au Stade de France, entre Liverpool et le Real Madrid.
Après ces incidents, la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, a réclamé, jeudi 2 juin lors d’un conseil municipal, des « changements » dans la gestion de la sécurité. « Ce qui s’est passé au Stade de France relève d’une honte pour notre pays, notre région, notre capitale, qui va accueillir l’événement le plus grand, le plus reconnu et retransmis dans le monde que sont les Jeux olympiques et paralympiques », a déclaré la candidate à la dernière élection présidentielle, désormais tournée vers ces JO de Paris qu’elle avait obtenus en 2017.
Mme Hidalgo a rappelé que, pour l’Euro 2016, une fan-zone « avec 90 000 personnes sur le Champ-de-Mars » avait été organisée sans incident, dans le « respect des partenaires et de la coopération » en matière de sécurité. Mais « cette époque est révolue depuis que nous avons un changement dans la doctrine du maintien de l’ordre à Paris qui consiste à aller vers des logiques de nasse plutôt que de désescalade », a-t-elle déploré, datant ce changement de paradigme de 2018, « année de l’émergence du mouvement des “gilets jaunes” ».
La veille, lors d’un meeting à Paris, Jean-Luc Mélenchon avait aussi tiré à boulets rouges sur l’attitude des forces de l’ordre au Stade de France, caractérisée notamment par une utilisation importante de gaz lacrymogènes – que Gérald Darmanin a reconnue comme « disproportionnée » et pour laquelle il a présenté des excuses devant les sénateurs.
« Je n’ai jamais fait autre chose que de protester contre un tel usage de la force, a commenté Jean-Luc Mélenchon. Je demande, alors que nous allons avoir les Jeux olympiques, alors que nous allons avoir des championnats de rugby, que la conception d’ensemble de l’usage des forces [de l’ordre] soit revue, repensée. » La diatribe du dirigeant de La France insoumise a visé nommément Didier Lallement, le préfet de police de Paris : « Dans trois semaines, je suis élu, il s’en va ! », a dit M. Mélenchon, en référence à son ambition de se faire « élire premier ministre », si les électeurs donnent une majorité à la gauche aux élections législatives de juin, provoquant par là une cohabitation !