I. Le cas du POI
« Le » député du POI (Parti Ouvrier Indépendant), élu en tant que député LFI-NUPES, Jérome Legavre, reçoit une félicitation du parti-frère-ennemi du POI, le POID (Parti Ouvrier Indépendant Démocratique), à propos de son vote contre toute aide militaire à l’Ukraine à l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier (« Tribune des Travailleurs » du 7 décembre dernier) : il aurait « ainsi exprimé une opposition à la politique de guerre du gouvernement Macron« .
Diantre ! Karl Liebknecht serait-il de retour ?
Que nenni. Ce vote s’est fait en accord et en harmonie avec l’abstention de l’ensemble du groupe LFI, dont le porte-parole Aurélien Saintoul a déclaré que ce vœu (au demeurant fort platonique) en faveur d’une aide à l’Ukraine est en contradiction avec la recherche d’une issue négociée par Macron et la ministre des Affaires étrangères Mme Colonna. Puisque le président cherche à aller vers une politique « non-alignée », nous n’irons pas jusqu’à voter contre : tel est le sens donné à cette abstention par les dirigeants LFI.
Même chose de la part de Mme Le Pen pour le groupe RN qui s’est également abstenu : elle a déclaré avoir « toujours soutenu l’action diplomatique d’Emmanuel Macron« .
Quant à Jérome Legavre et au POI, ils ont motivé son vote Contre non par l’opposition à la diplomatie macronienne, mais par le désir “de paix” et l’hostilité à l’OTAN.
Comme l’écrivait J.L. Mélenchon sur son blog peu après, le 6 décembre : « Pour en rester au président, notons qu’il a aussi récemment déclaré qu’il était las de voir le monde obligé de se positionner sans cesse entre Chine et États-Unis. Une entrée sans ambiguïté sur la sphère du non-alignement. »
Les abstentions des groupes, RN d’une part, LFI d’autre part, et le vote contre du député Legavre en son sein, se situaient donc TOUS dans une orientation de “non-alignement”’ affirmant l’autonomie de l’impérialisme français. La remise en cause de la fort petite aide à l’Ukraine n’est en rien la remise en cause de la politique impérialiste française, de sa “dissuasion” nucléaire, de sa politique africaine, de sa puissance maritime, bien au contraire.
Quand Liebknecht a voté frontalement contre les crédits de guerre, contre l’impérialisme allemand, fin 1914, ce n’était en aucun cas en relation avec quelque secteur de l’état-major et du gouvernement, c’était complètement seul dans l’assemblée, avec le seul soutien de Rosa Luxemburg et des métallos de Stuttgart qui l’avaient exhorté à rompre avec le Reich, et c’était sans un matelas protecteur d’abstentionnistes des deux bords du Reichstag.
Legavre, l’anti-Liebknecht …
II. Le cas du POID
Le journal du POID (Parti Ouvrier Indépendant Démocratique) publie une lettre de Jack Lefebvre, animateur d’une tendance de la FSU, à Benoit Teste, pour s’élever contre la participation de la FSU à une manifestation ayant pour mot d’ordre « Retrait des troupes russes de toute l’Ukraine ».
Jack Lefebvre trouve que s’en tenir à ce mot d’ordre, c’est être « unilatéral ». Dans le même journal, on peut en effet lire la position complète du POID : « Retrait des troupes russes d’Ukraine, retrait des troupes de l’OTAN d’Europe ! Cessez-le-feu immédiat et sans condition ».
La position réelle de Jack Lefebvre, et donc celle du POID, est : maintien des troupes russes dans les zones occupées en Ukraine, car ses « mots d’ordre » n’ont aucune autre conséquence réelle.
Dans cette lettre, notre ardent adversaire “de toutes les guerres” poursuit en déplorant que « le gouvernement Macron dépense sans compter pour la guerre : 377 milliards d’euro pour la loi de programmation militaire …«
Ah bon, diront les Ukrainiens, Macron dépense 377 milliards d’euro pour nous ?!?!
En fait, l’aide militaire française cumulée à l’Ukraine était, à la date du 2 octobre, de 220 millions, et le total de toutes les formes d’ “aide” (militaire, humanitaire, financière) pèse 0,04% du PIB. Désolé, militants du POID (et du POI, et de LO, et du PG, et de LFI, et du PCF …) le budget des services publics, écoles et hôpitaux, n’est donc pas grevé par la participation de la France à cette guerre !
Il est par contre tout à fait exact que, sans aucun rapport avec l’aide à l’Ukraine et suite à des choix politiques antérieurs, le budget militaire français pèse de manière parasitaire sur le pays ; que c’est particulièrement le cas de la « force de frappe stratégique » c’est-à-dire nucléaire ; que la présence militaire en Afrique et le maintien de sa botte sur les océans Pacifique et Indien et leurs peuples, et dans les Antilles, sont 100 fois plus dispendieuses que toute aide à l’Ukraine ; et qu’il serait possible d’aider militairement l’Ukraine en aidant moins, par exemple, l’Arabie saoudite !
En assimilant l’ensemble de la politique militaire française et sa traduction budgétaire à « la guerre de l’OTAN en Ukraine », le POID en arrive donc à faire l’impasse sur le contenu réel de la politique impérialiste française,
III. Au passage…
On notera que la « relance du nucléaire civil » de Macron fait partie des éléments de soutien à la force de frappe nucléaire, car le nucléaire civil, producteur de plutonium et impliquant un fort investissement humain dans la gestion technique du nucléaire est un pilier crucial du nucléaire militaire. Mais de cela, nos climato-sceptiques frères ennemis n’en ont cure …
Conclusion.
Quelle tristesse de voir des gens se réclamant de la tradition révolutionnaire n’avoir retenu de la formule de Liebknecht (L’ennemi principal est dans notre pays !) que le morceau « dans notre pays
Aplusstoc