Les organisateurs de la manifestation anti-bassines agricoles assurent que plus de 30.000 personnes se sont rassemblées ce samedi dans les Deux-Sèvres, près de la future bassine de Sainte-Soline. Des affrontements ont opposé manifestants et forces de l’ordre et plusieurs personnes sont blessées.
Plusieurs véhicules des forces de l’ordre se sont embrasés. © Maxppp – Franck Dubray
Un long cordon de véhicules de gendarmerie, encerclant complètement le chantier de la future bassine de Sainte-Soline : c’est ce que les opposants anti-bassines ont découvert ce samedi en arrivant sur le site où ils avaient prévu de manifester contre cette retenue d’eau destinées à l’irrigation agricole. Une manifestation interdite. Des affrontements entre écologistes et forces de l’ordre ont éclaté à la mi-journée. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a fait état de 24 gendarmes et sept manifestants blessés.
L’essentiel :
La police de Macron frappe fort
Les manifestants sont partis ce samedi vers 11h de la commune de Vanzay en direction de la bassine de Sainte-Soline située à environ 6,5 kilomètres de là. Il était prévu d’y former « une chaîne humaine » et de « démanteler les réseaux ». Selon les organisateurs de la manifestation, plus de 30.000 personnes ont répondu à leur appel à protester contre les bassines agricoles dans les Deux-Sèvres. La préfecture des Deux-Sèvres a dénombré, elle, au moins 6.000 personnes à Sainte-Soline à la mi-journée et « la présence d’au moins un millier de manifestants violents, entièrement équipés en noir et prêts à en découdre avec les forces de police » .
À l’approche du chantier, de violents affrontements ont rapidement éclaté. Trois véhicules ont été incendiés et les manifestants ont fait usage de « de mortiers d’artifices, de chandelles romaines et de cocktails molotov » contre les forces de l’ordre, a indiqué la gendarmerie nationale, qui a riposté avec des gaz lacrymogènes et un canon à eau notamment.
Pendant environ une heure, les abords de la bassine se sont transformés en scène de guerre, avec de très nombreuses détonations, observée de loin par la plupart des manifestants restés pacifiques. Des manifestants se sont attaqués à l’une des vannes du futur projet de bassine à Sainte-Soline. Ils ont réussi à percer légèrement l’acier à l’aide d’une meuleuse, a constaté un journaliste de franceinfo. Les assaillants ont ensuite reflué et un calme relatif était revenu dans l’après-midi, la foule ayant reculé. La dispersion a été ordonnée, indique la préfecture des Deux-Sèvres.
Plusieurs blessés graves
« Le bilan est extrêmement lourd : il y a 24 gendarmes blessés dont 23 en urgence relative et un en urgence absolue », a annoncé ce samedi Gérald Darmanin lors d’une conférence de presse au sujet des affrontements à Saint-Soline dans les Deux-Sèvres contre les méga-bassines. Il y a également « sept manifestants blessés : six en urgence relative et un en urgence absolue. Ce dernier – comme le gendarme en urgence absolue – est héliporté en ce moment même par les hélicoptères du SMUR et de la gendarmerie vers les hôpitaux ».
Lors de la prise en charge des blessés, les services de secours ont eu « des difficultés » à les rejoindre, selon la préfecture. Cette situation a valu à la préfète des Deux-Sèvres d’être interpellée par la Ligue des droits de l’Homme, association indépendante qui avait envoyé des observateurs à Sainte-Soline. « Madame la préfète, laissez passer les secours d’urgence ! Nos observateurs ont constaté l’entrave par les forces de l’ordre à l’intervention des secours pour une situation d’urgence absolue », écrit la LDH dans un communiqué de presse. Selon elle, le blessé se trouvait dans une zone « parfaitement calme », où rien ne faisait « obstacle à l’intervention du Samu », et il aurait dû être pris en charge « sans délai » par les secours.
Les forces de l’ordre utilisent des quads pour se déplacer dans les champs. © Radio France – Noémie Guillotin
Si la manifestation de ce samedi a été interdite, c’est notamment parce qu’il y a cinq mois, au même endroit, le rassemblement avait dégénéré et des affrontements s’étaient produits entre forces de l’ordre et militants écologistes. « Des casseurs d’ultra-gauche s’en étaient pris aux forces de l’ordre, avec des jets de boules de pétanque », a expliqué Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique interrogé sur franceinfo.
Ce samedi, le ministre de l’Intérieur a mobilisé 3.200 policiers et gendarmes, deux fois plus qu’en octobre dernier. « À Sainte-Soline, l’ultra gauche et l’extrême gauche sont d’une extrême violence contre nos gendarmes. Inqualifiable, insupportable. Personne ne devrait tolérer cela. Soutien total à nos forces de l’ordre », a tweeté Gérald Darmanin ce samedi après-midi.
Les manifestants se sont divisés en trois cortèges. © Radio France – Irène Prigent
Le collectif « Bassines non merci », le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne dénoncent depuis plusieurs années la construction de bassines agricoles dans la région. Alors que les nappes phréatiques et les cours d’eau de Nouvelle-Aquitaine sont, pour certains, dans une situation catastrophique à cause de la sécheresse, les anti-bassines s’inquiètent de l’impact de ces ouvrages dédiés à l’irrigation agricole.
Pour le porte-parole du collectif « Bassines non merci », les agriculteurs qui défendent la construction de ces réserves « privatisent une eau qui appartient à tout le monde, c’est une logique d »après moi, le désert’, la loi sur l’eau priorise l’eau potable, pas celle pour l’irrigation du maïs », affirme Julien Le Guet, qui a été interdit de paraître à Sainte-Soline ce week-end des 25 et 26 mars.
Les bassines sont des retenues d’eau utilisées par les agriculteurs pour irriguer leurs cultures en période de sécheresse. Le chantier de Sainte-Soline prévoit la construction de 16 bassines, d’une capacité d’environ six millions de mètres cubes. Ce projet, soutenu par l’État, est porté par une coopérative de 450 agriculteurs.
Le président de cette coopérative, Thierry Boudaud, a lancé un appel au calme ce vendredi. Interrogé sur le sujet sur France Inter ce samedi, le ministre de l’Agriculture a affirmé que le projet de ces réservoirs s’est fait « sur le terrain, avec les associations locales, avec les agriculteurs locaux, avec les services de l’État, avec les services scientifiques sur les questions d’eau ». Marc Fesneau assure que « le process n’a en rien été imposé par le haut », et juge donc « exemplaire sa démarche ».
Plusieurs milliers d’opposants aux bassines agricoles sont rassemblés dans les Deux-Sèvres. © Radio France – Irène Prigent