Tu es anticapitaliste et tu hésites à rejoindre les manifs contre le pass sanitaire ? Lis cet article
Comme au début des gilets jaunes, certains militants anticapitalistes refusent de se joindre aux manifestations contre le pass sanitaire au prétexte qu’il s’agirait d’un mouvement proto-fasciste. Cette erreur d’analyse – temporaire, espérons-le – retarde l’émergence de revendications sociales et le nécessaire combat contre l’extrême-droite.
Non, la mobilisation contre le pass dit sanitaire n’est pas un mouvement d’extrême-droite. C’est une lutte pour les libertés et contre le flicage généralisé. En pleine torpeur estivale et après des mois d’absence de manifestations, ce mouvement a le mérite, à moins d’un an des présidentielles, de faire de l’ombre à un gouvernement que rien ne semblait arrêter. Quels sont les arguments de celles et ceux qui n’y voient qu’un repère de fascistes ?
« Ce ne sont pas des prolos mais des petits bourgeois qui manifestent ». On serait donc prié de croire que les soignants, présents en nombre, sont à la solde du grand capital, que les pancartes dénonçant Big pharma sont brandies par des capitalistes, que les ultras montpelliérains sont des startupers et que le slogan phare des gilets jaunes « pour l’honneur des travailleurs » soit chanté par des patrons en pleine dissociation. Ridicule.
« Ce sont tous des antivax et des complotistes ». C’est faux. Dans les manifestations, on y trouve des pancartes pour et contre la vaccination et le mot d’ordre consensuel est bel et bien la lutte contre le pass sécuritaire (si ce n’était pas le cas, les journalistes du Poing, tous vaccinés, ne soutiendraient pas le mouvement). Bien qu’il ne faille pas mettre la question de la vaccination sous le tapis sous prétexte de l’unité, rappelons-tout de même que l’Organisation mondiale de la santé s’est prononcée contre la vaccination obligatoire. En revanche, on ne va pas se mentir, oui, on peut entendre dans les cortèges des discours délirants selon lesquels la vaccination serait une extermination et le covid un complot. Ne serait-ce que par respect pour les familles des défunts, ces propos – qui ne sont pas majoritaires – ne sont bien sûr pas tolérables.
Mais alors que faire ? Ricaner et lâcher des commentaires haineux sur les réseaux sociaux ou venir avec ses propres pancartes et slogans pour affiner le sens des manifestations ? La réponse est dans la question.
« Cette lutte ne revendique pas des droits sociaux ». Et alors ? La mobilisation contre la loi « sécurité globale » n’était pas non plus portée sur les conditions de travail et elle n’en était pas moins utile. On peut craindre que ce nouvel outil de contrôle – le scan d’un QR code pour accéder à un lieu – soit demain utilisé dans d’autres contextes, et notamment pour exclure des manifestations les personnes condamnées par la justice. Rappelons-nous qu’au troisième acte des gilets jaunes, l’État avait tenté d’imposer à Paris une « fan zone » avec fouille obligatoire, un dispositif propice au scannage systématique.
Le flicage généralisé pénalise toute la population en toutes circonstances et en particulier en cas de mouvement social. Par ailleurs, la menace, notamment brandie aux soignants, du licenciement en cas de non-vaccination est bel et bien une question purement sociale, la CGT appelle d’ailleurs les parlementaires « à ne pas voter de mesures régressives pour le monde du travail ».
« Je n’ai pas envie de manifester avec des fachos et des gens confus ». Nous non plus, mais rien ne dit qu’il y a plus de gens « confus » et d’extrême-droite dans ces manifestations que dans la société ; faut-il alors bannir la société ? Le déclin bien mérité du parti communiste français – qui était autrefois une véritable école ouvrière – et, plus alarmant, du syndicalisme révolutionnaire, n’aide pas la population à comprendre les rouages du capitalisme. Ajoutez à cela un confusionnisme d’État (rappelons qu’Édouard Philippe a déclaré que « le port du masque dans la rue, ça ne sert à rien ») et des médias accrocs aux buzz et offrant à des fachos comme Zemmour une tribune démesurée, et vous avez là tous les ingrédients pour l’émergence d’une société déboussolée.
Que faire ? Se lamenter et cultiver son complexe de supériorité entre gens « de gauche » ou bien convaincre, se disputer, se battre, argumenter ? Les mouvements sociaux sont de véritables écoles de vie au cours desquels on forme son intellect et on est amené à changer d’avis. Au début, les gilets jaunes chantaient la Marseillaise et « la police avec nous ! » à tue-tête et quelques semaines plus tard, ils ne gardaient que « aux armes ! » de l’hymne national en jetant des pavés. Profitons de ce mouvement populaire pour faire bouger les lignes, enrichissons-le de revendications anticapitalistes (notamment contre la réforme des retraites et de l’assurance-chômage) et rappelons qu’aucune unité n’est possible avec l’extrême-droite puisqu’elle cherche précisément à diviser la population sur des bases ethniques, religieuses et d’orientation sexuelle pour mieux assurer le règne des capitalistes.
Bien entendu, ce travail de conviction ne s’applique pas aux groupes fascistes bien structurés auxquels il faut s’attaquer frontalement. Il n’est pas tolérable que Florian Philippot, l’ancien numéro 2 du FN, prenne le micro à Paris devant des milliers de personnes, que les royalistes de l’Action française défilent tranquillement à Orléans ou bien encore que la Ligue du Midi tape un militant communiste à Montpellier. Il ne faut pas non plus être impressionné par la présence de ces groupes qui, au début des gilets jaunes, pensaient avancer en terrain conquis, avant d’avoir été rapidement et durablement marginalisés du mouvement. C’est bien là l’objectif mais force est de constater qu’il sera plus dur à atteindre cette fois-ci car le combat des gilets jaunes était fondamentalement social (injustice fiscal, retraites de misère, etc.) alors qu’il s’agit cette fois-ci d’un combat politique voire sociétal avec lequel l’extrême-droite est plus à l’aise. Son argumentaire est couru d’avance (sortez les sacs à vomi) : oui, le covid est un complot ourdi par les juifs et les francs-maçons pour transformer l’être humain en cybertrans et nous détourner du vrai problème : l’islam.
Camarade anticapitaliste, tes semblables ont besoin de toi ! Il nous faut du renfort pour enrichir le mouvement, développer des revendications sociales, faire entendre une autre voix sur la vaccination, désigner le capitalisme comme l’ennemi principal et lutter contre l’extrême-droite. La désertion n’est jamais une solution, à samedi prochain !
(Si tu n’es toujours pas convaincu, tu peux aussi lire cet excellent éditorial de Nantes révoltée, qui tient la barre en ces temps troubles).
Merci à Virginie Oulhen pour ses belles photos prises lors des manifestations montpelliéraines !
À propos de remarques entendues dans la mobilisation contre le pass sanitaire
JUSTE UNE MISE AU POINT
– À propos de remarques entendues dans la mobilisation contre le pass sanitaire
– ➡️ «La police avec nous» – Ce slogan avait disparu des manifestations ces dernières années tant la police se montre brutale avec tout ce qui s’oppose au pouvoir. S’il ressurgit à présent, c’est souvent chez des groupes de personnes qui n’ont pas l’habitude d’être confrontées à la police. Lors de la première semaine des Gilets Jaunes en 2018, la plupart des manifestants chantaient «la police avec nous». On connaît la suite : des dizaines de milliers de grenades tirées, des milliers de blessé-es, dont plusieurs centaines très gravement, des yeux crevés, des mains arrachées, des vies brisées, des milliers de personnes arrêtées. La police, en tant qu’institution, ne sera jamais «avec nous» puisqu’elle est la garante d’un ordre injuste. C’est la garde prétorienne d’un État autoritaire qui lui donne tous les droits. Nous l’avons encore vu samedi à Nantes : des salves de grenades ininterrompues sans autre motif que de se réunir devant la préfecture.
➡️ «Le COVID est un complot» – Le COVID est une pandémie très contagieuse et dangereuse, inutile de nier l’évidence. Elle touche gravement en majorité les personnes vulnérables et âgées mais aussi des personnes plus jeunes et sans facteurs de risques, beaucoup de personnes développant des séquelles à long terme (fatigue prolongée mais aussi problèmes inflammatoires voire amputations). Ce type d’épidémie est le résultat du mode de production industriel : en saccageant la nature, en fabriquant des élevages gigantesques, en créant des zones en contact entre la faune sauvage et les industries, on crée les conditions de zoonoses : de passage d’un virus de l’animal vers l’homme, de mutations virales. S’il y a un «complot», il s’agit du capitalisme qui produit les conditions d’émergence de ces maladies, réellement mortelles. Par ailleurs, les fameuses «comorbidités» dont parlent les médecins sont pour certaines elles-mêmes le fruit du mode de consommation capitaliste : obésité, maladies liées à la malbouffe, etc. Être «radical», c’est chercher aller chercher les causes des choses à la racines et pas seulement des explications immédiatement satisfaisantes ou non-rationnelles.
➡️ «Unité avec l’extrême droite»? – Des groupes ouvertement fascistes, royalistes ou intégristes tentent de s’emparer de la mobilisation contre le «pass sanitaire». Et dans les cortèges, de nombreuse-eux manifestant-es lambda n’y voient pas d’inconvénient au nom de «l’unité». Mais cette unité doit viser un objectif commun. L’extrême-droite rêve justement d’un monde de contrôle et de traçabilité, d’un monde de policiers et de militaires, où l’État gère la population. En plus, l’extrême droite française a voté contre la levée des brevets sur les vaccins, protégeant de fait l’industrie pharmaceutique. Enfin, l’extrême droite discrédite les manifs avec ses parallèles honteux sur la Shoah, dont les médias parlent tant pour salir le mouvement. Nous n’avons pas besoin d’elle, au contraire, il faut s’en débarrasser.
➡️ «Le vaccin est un poison» – Le principe du vaccin est un énorme progrès scientifique. Il a permis d’éradiquer de nombreuses maladies, notamment infantiles, et de renforcer notre immunité collective depuis un siècle. S’il est toujours légitime de se poser des questions sur les innovations qui touchent à nos corps et à notre santé – comme les nanotechnologies, les OGM ou les traitements expérimentaux par exemple –, focaliser le débat sur le vaccin est le meilleur moyen de perdre de vue le sujet crucial : l’extinction à marche forcée de nos libertés. Les médias qui cherchent à nous salir utilisent d’ailleurs cette méthode, en ne parlant que «d’antivax» plutôt que d’une opposition légitime à une mesure liberticide.
➡️ «On lutte pour les libertés individuelles» – C’est nécessaire, mais c’est insuffisant. Macron a été très clair le 12 juillet, le Pass sanitaire s’inscrit dans une batterie de mesures à la fois liberticides et anti-sociales. D’ailleurs, le gouvernement n’impose pas le vaccin par humanisme mais pour «relancer l’économie», comme l’a dit Bruno Lemaire. Depuis 5 ans, Macron s’en prend «en même temps» aux libertés – de manifester, de s’exprimer, de filmer la police – et aux droits sociaux – retraites, chômage, code du travail… C’est donc ici encore un package autoritaire ET anti-social qui nous tombe dessus, et il convient de lutter sur ces deux fronts. Se contenter des «libertés individuelles» ressemble à du libéralisme. Un message clair : libertés pour toutes et tous, égalité pour toutes et tous.
➡️ «C’est une manif de fachos», «où étaient-ils pendant les précédents mouvements?» – Ces phrases méprisantes reviennent en boucle dans la bouche de militant-es sur internet, exactement comme au début des Gilets Jaunes. Des remarques hors sol face à un mouvement difficile à cerner. Qui, lors de ses premières manifestations, est arrivé parfaitement formé politiquement, parfaitement construit ? Personne. D’autant plus dans un contexte d’omniprésence de la parole d’extrême-droite dans les médias et de confusion entretenue par le pouvoir. C’est la lutte qui est formatrice, c’est dans une mobilisation qu’on apprend, qu’on évolue. Se contenter de dénigrer depuis la fenêtre du net c’est précisément laisser le champ libre à l’extrême-droite. De même, se plaindre que les manifestant-es actuel-les n’étaient «pas là» lors de précédents mouvement est un procès d’intention : on pourra toujours reprocher à quelqu’un de n’avoir pas participé à telle ou telle mobilisation en 2018, 2016, 2006 ou 2003. L’important n’est pas le point de départ mais le chemin. Plutôt que de dénigrer par réflexe, on peut se réjouir de voir un tel mouvement se lever après près de deux années de peur et d’apathie. |
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PASS SANITAIRE, MESURES LIBERTICIDES : DES CENTAINES DE MILLIERS DANS LA RUE
Macron est un magicien, il a réussi à faire ce qu’aucun syndicat, parti ou association n’est parvenu à réaliser ces dernières décennies : provoquer un mouvement de masse au milieu de l’été. Samedi 24 juillet, au creux des vacances estivales, et pour la troisième fois, ce sont des centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans la rue. 6000 à Montpellier 4000, 3000 à Bordeaux, 6000 à Nice, 3000 à Brest, entre 6 et 10 000 à Nantes … Et des milliers de personnes dans des villes de taille moyenne. Le gouvernement, même en minorant les chiffres, annonce 161 000 manifestants dans toute la France, plus que lors des premiers Actes des Gilets Jaunes ! Macron voulait une blitzkrieg sans possibilité de riposter. Il s’est trompé.
Il y a donc un mouvement populaire en France en réactions aux annonces liberticides de Macron, malgré une diabolisation médiatique ahurissante et une répression toujours très élevée. Dans les cortèges, beaucoup de primo-manifestants, de familles, de gens de tous horizons et, comme pendant les Gilets Jaunes, l’extrême droite en embuscade. Profitant d’une absence quasi-totale de la gauche, et surfant sur les peurs, l’extrême droite est même encore plus présente qu’en novembre 2018, bien décidée à récupérer ce mouvement pour les libertés.
Des mairies ont été envahies, une gare occupée, les Champs Elysées repris par des milliers de manifestants, les slogans, dans leur immense majorité, se tournaient contre le gouvernement, contre les mesures autoritaires et pour une vraie politique de santé publique. Parfois même, comme à Nantes, des embryons de cortèges Contre l’extrême droite se sont constitués. C’est un début, mais il est prometteur.
Alors maintenant, que faire ? Il y a du monde dans la rue, mais sans objectif clairs pour le moment. Ce qui fait peur au pouvoir lors d’une grève, c’est la paralysie de l’économie. Ce qui lui a fait peur pendant les Gilets Jaunes, c’est le blocage des flux et les émeutes généralisées. Aujourd’hui, les défilés sont, pour la plupart, de grande masses errant sans but dans les centre-ville. Il est peut-être temps d’occuper les rues dans la durée, de prendre des places, d’installer des banquets, de s’organiser pour faire reculer le pouvoir sur le pass sanitaire et tout le reste. Et de rappeler qu’on ne peut pas défendre les libertés individuelles et collectives avec l’extrême droite, ennemie mortelle des libertés.
Pour commencer, rendez-vous samedi prochain !