La justice souffre. Magistrats, greffiers, fonctionnaires ont de nouveau manifesté leur colère et leur désarroi sur les marches des palais de justice. Ils étaient une cinquantaine à Montargis où le fonctionnement du tribunal judiciaire est dégradé.
Manifestation de magistrats, greffiers devant les grilles du palais de justice de Montargis © Radio France – Christophe Dupuy
Un peu partout en France, magistrats, greffiers, avocats et fonctionnaires étaient ce 22 novembre sur les marches des palais de justice pour dénoncer le manque de moyens et leur souffrance au travail. Un après une tribune signée par près de 8.000 magistrats et les promesses du garde des sceaux Eric Dupont-Moretti, l’état de la justice est toujours aussi déplorable. Ils étaient une cinquantaine à Orléans, tout comme à Montargis où la situation du tribunal judiciaire reste préoccupante.
Un an après, rien ne semble avoir finalement véritablement changé. Suite à une tribune publiée dans le journal Le Monde, aujourd’hui co-signée par quasiment l’ensemble des magistrats (environ 9.000 aujourd’hui en France), la profession aux côtés de celles des greffiers et autres fonctionnaires de justice avait, en décembre l’année dernière, lancé un cri d’alerte. Eric Dupont-Moretti, le garde des Sceaux s’était plu alors d’avoir « réparé l’urgence » et satisfait que « la justice travaille mieux », après avoir arraché une hausse de 8 % du budget. Le constat demeure tout autre au sein des palais de justice.
Dix postes de fonctionnaires manquants
Marie Casanova est arrivée en septembre dernier à Montargis en tant que juge des contentieux de la protection qui tranche les litiges en matière de baux et de crédits à la consommation. Son premier poste. « J’ai pu voir que l’état était très dégradé et j’ai le retour de tout mes collègues qui m’expliquent que rien n’a bougé et pire encore que la situation s’est encore dégradée » indique la jeune magistrate. Membre du Syndicat de la magistrature, elle ajoute « certes il y a une augmentation budgétaire au niveau national mais au quotidien dans les juridictions, la situation reste encore très difficile« . Au tribunal de Montargis, il manque notamment une dizaine de fonctionnaires sur les quarante postes normalement attribués à la juridiction.
La justice civile est en train de mourir. – Véronique Cozeret, greffière
Le tribunal souffre en particulier d’une pénurie de greffiers et greffières sans qui la justice reste lettre morte. Ils sont le relais indispensable avec le justiciable. Véronique Cozeret, qui a « beaucoup de jugements en retards« , ne sait pas comment elle va faire. La hiérarchie lui dit « prenez votre temps, ne tombez pas malade car si je tombe malade, il n’y a plus personne« . Au sein de la justice depuis 30 ans, greffière depuis 10 ans à Montargis au service des tutelles, elle témoigne « ce n’est plus possible, la justice n’est pas populaire, quand c’est les infirmières ou les pompiers ca interpelle mais tout le monde peut avoir un parent, un enfant sous tutelle, des problèmes familiaux, la société veut plus de répression mais elle oublie qu’il y a une justice civile qui est en train de mourir ».
Deux affaires d’agressions sexuelles sur mineurs jugées après 23 heures
Mais Véronique qui pense qu’elle « travaille quand elle dort mal et trop peu » continue de faire son travail. Le sort des femmes et des hommes de justice. Marqué comme ses confrères du monde judiciaire par le suicide l’an passé d’une magistrate de 29 ans à Béthune et par récemment le décès d’une juge de 44 ans, Marie Truchet**,** en pleine audience de comparution immédiate à Nanterre, Antoine Trocello reconnait « qu’humainement c’est difficile« . Juge des enfants à Montargis, son premier poste à lui aussi, il confesse le manque de moyens « implique de travailler le soir, les week-ends, pendant les vacances, je tiens mais pour la santé c’est difficile« . Il y a quelques jours au tribunal de Montargis, deux affaires d’agressions sexuelles sur mineurs ont été jugées à l’audience après 23 heures.
Christophe Dupuy France Bleu Orléans