Le 27 janvier 1945, les soldats soviétiques de l’Armée Rouge ouvraient les portes du camp d’extermination d’Auschwitz en Pologne et libéraient les déportés survivants. Retour en images d’époque tournée par les troupes sur ce pan sombre de l’histoire.
Les troupes russes libèrent le camp d’Oswiescim (Auschwitz) – 1945 – 03:10 – vidéo
Quand l’Armée Rouge libère les camps d’extermination d’Auschwitz Birkenau, elle découvre quelques 7000 survivants, malades pour la plupart. Avant leur départ les nazis fusillent 200 femmes juives et dynamitent les fours crématoires. Ils n’auront pas le temps de combler les fosses communes. Les jeunes soldats soviétiques visitent le camp avec les survivants et ils n’en croient pas leurs yeux. Voici l’un des reportages qu’ils effectuent alors.
C’était le camp de concentration allemand le plus grand, un gigantesque complexe de mort.Chaque mètre est gorgé de sang humain… Ici les Allemands amenaient leurs victimes de toute l’Europe par 5 à 8 convois, par jour.Ici, on a massacré chaque jour des milliers de gens, un ancien ingénieur yougoslave Miroslav raconte que ce sont des centaines de milliers de victimes qui ont construit l’usine chimique.
Chacun de ceux qui avait échoué dans le camp savait que la mort l’attendait tôt ou tard. Maria Dmitrievna Kabolès, de Voronej raconte : Certains mouraient de faim, d’autres rassemblés en troupeau étaient gazés ou fusillés.On leur prenait toutes leurs affaires jusqu’à la dernière harde. Elle a vu de ses propres yeux comment on chargeait les haillons pour les transporter dans les convois.
Milka Roujet, yougoslave emprisonnée parce que son mari était un partisan dit que les gens n’ayant pas la force de travailler mouraient d’exténuement et d’inanition, on tuait les mères avec les enfants dans les bras, les jeunes et les vieillards. Les plus affaiblis, incapables de bouger mouraient de froid dans les baraquements Vera [incompris] raconte c’est même effrayant de dire combien on a tué de gens ici, combien ont été torturés ou sont morts de froid et de faim. (Source : lumni.fr )
Le point de vue soviétique
En 1995, le journal de 20h00 de France 2 retrouve un ancien soldat russe présent à l’époque.
Viktor Tchoubakhine, âgé de 18 ans en 1945 évoque cette découverte mais précise que les troupes soviétiques n’avaient alors qu’un objectif, celui de libérer les villes industrielles de la région. Il précise d’ailleurs que si Staline les a félicités c’était pour la libération d’une ville proche d’Auschwitz et pas pour le camp lui-même.
Mikhaï Semiriaga, historien et ancien combattant de l’Armée rouge explique que pour les soldats présents, il était impossible de comprendre comment un tel peuple, qui avait atteint ce niveau culturel et engendré de tels humanistes (Goëthe, Schieller…) « ils ne pouvaient admettre soudainement qu’un peuple qui a produit de tels humanistes soit capable de traiter d’autres peuples de telle manière. »
Le commentaire précise que ces images resteront longtemps dans les coffres du Kremlin « Moscou ne se hâte guère de faire découvrir au monde sa terrible découverte. Comme si ce n’était qu’une péripétie de l’histoire de ce qu’on appelle encore la grande guerre patriotique. ce n’est que quelques mois plus tard que les Soviétiques vont songer à les diffuser et à gonfler les chiffres. Le discours officiel dénonce la barbarie nazie mais ne voit dans ces victimes que des anti-fascistes de nationalités différentes. Pas un mot sur le fait que 90% des morts d’Auschwitz étaient Juifs. »
Mikhaï Semiriaga l’explique ainsi « ): »Staline était lui-même antisémite. Je ne crois pas que le fait qu’Hitler anéantisse des Juifs l’ait beaucoup attristé. D’autant que des Juifs il en a lui-même exterliné beaucoup, beaucoup. Surtout après la guerre. Il a d’ailleurs fait fusiller tous les membres du comité juif anti-fasciste, en 1947, après la guerre ».
Les survivants attendront quelques semaines dans des centres avant de regagner leur propre pays ou leur lieu d’exil. Le commentaire conclut « ce que ces images ne montrent pas ce sont les prisonniers de guerre soviétiques qui le plus souvent ont fini au goulag, en Sibérie ou ailleurs. Un soldat qui se rendait vivant à l’ennemi ne pouvait qu’être un traître à la patrie ».
Les Russes interceptent également des convois de déportés que les Allemands, sentant l’imminence de l’assaut ennemi, s’empressent dès le 18 janvier 1945 d’envoyer vers des camps encore en activité plus à l’ouest (58 000 personnes). Des milliers de prisonniers ne survivront pas à ces dernières marches de la mort.
Des rescapé-es témoignent
En 1995, cinquante ans après l’évacuation du camp, Simone Lagrange, déportée à 13 ans avec ses parents se souvient … »Le 18 [janvier] ça a été tragique parce qu’on ne savait pas ce qui nous attendait et en même temps merveilleux de pouvoir sortir du camp par la porte. On disait toujours qu’Auschwitz, on entrait par la porte, on ressortait par la cheminée. C’était donc une victoire sur ceux qui voulait nous tuer mais on ne savait pas ce qui nous attendait sur la route. » De ce jour-là elle garde une image « des gens qui étaient pendus à une croix en ciment qui tournoyaient dans le vent… alors que pour nous c’était presque la libération puisqu’on sortait du camp.«
Se souvenir
Entre 1940 et 1945, plus de 1,1 million d’hommes, de femmes et d’enfants perdirent la vie dans le camp d’extermination d’Auschwitz Birkenau, en Pologne.
Pour aller plus loin
Les Allemands les ont traités comme du bétail, chacun avait un numéro tatoué sur le bras.Voilà les témoins de l’accusation de l’Allemagne.Le jugement est proche.
En 2017, le Concours de la Résistance et de la Déportation portait sur La Libération des camps nazis, le retour des déportés et la découverte de l’univers concentrationnaire.
Découvrez les témoignages de rescapés de la Shoah dans Mémoires de la Shoah, entretiens réalisés en co-production avec la Fondation pour la mémoire de la Shoa
Par Emeline Vanthuyne ( Professeure agrégée d’histoire )
Le camp d’Auschwitz est décrit dans le reportage comme étant « un gigantesque complexe de mise à mort ». Il s’agit à la fois d’un camp d’extermination (où la majorité des Juifs et des Tsiganes sont gazés avant leur entrée dans l’enceinte du camp) et d’un camp de concentration (où les déportés meurent très rapidement, épuisés par des cadences de travail infernales, la faim, le froid et le manque d’hygiène déclencheurs d’épidémies).
Situé à 60 km de Cracovie, Auschwitz se compose de trois sous-camps :
– Auschwitz I qui fonctionne dès mai 1940 comme un camp de concentration qui peut accueillir plus de 10 000 détenus, majoritairement des déportés politiques et des prisonniers de guerre soviétiques. Les déportés y sont exploités jusqu’à épuisement. Certains sont victimes d’exécutions sommaires et d’expériences pseudo-médicales pratiquées par le docteur SS Josef Mengele. Une chambre à gaz y est également installée pour éliminer les détenus devenus trop faibles : dès septembre 1941, le Zyklon B y est testé.
– Auschwitz II (Auschwitz-Birkenau) , dont la construction en octobre 1941 coûte la vie à des dizaines de milliers de détenus. C’est à la fois un centre de mise à mort abritant quatre chambres à gaz et un camp de concentration pouvant abriter dix fois plus de détenus qu’à Auschwitz I. Il est divisé en plus d’une douzaine de sections réservées à certaines catégories de populations (hommes, femmes, tsiganes, juifs venus de certains ghettos).
– Auschwitz III (Monowitz) est un camp annexe construit en octobre 1942 où plusieurs dizaines de milliers de déportés sont exploités au service de la Buna, usine de caoutchouc synthétique de l’entreprise allemande IG-Farben.
A leur descente du train, les trois quarts des déportés sont « sélectionnés »: les femmes, les personnes âgées et les enfants en bas âge sont dirigés vers les chambres à gaz. Pour les survivants, l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines, et exceptionnellement quelques mois selon l’affectation du déporté. Entre 1942 et 1944, des convois de Juifs venant de l’ensemble des pays occupés arrivent à Auschwitz II. Le rythme des convois et de l’extermination s’accélère d’avril à juillet 1944 avec l’arrivée de plus de 400 000 Juifs Hongrois dont les trois quarts sont immédiatement envoyés dans les chambres à gaz.
Au total, 1,3 millions de personnes trouvent la mort à Auschwitz dont près d’un million de juifs et quelques dizaines de milliers de Tsiganes.
A l’approche des soldats soviétiques, les autorités nazies ont cherché à anéantir les preuves du génocide : près de 60 000 détenus sont évacués, soumis aux « marches de la mort » , les chambres à gaz et crématoires sont détruites et les archives brûlées. Le 27 janvier 1945, lorsque les soldats soviétiques pénètrent au sein du camp d’Auschwitz, ils découvrent un peu plus de 7 000 déportés encore en vie et près de 600 corps massacrés.